La publicité Gillette contre la masculinité toxique

Celine
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Dans un salon de barbier, un jeune homme hésite devant son miroir tandis qu’un vieil homme au visage buriné lui tend un rasoir. Le silence est palpable, presque chargé d’une tension qu’aucun des deux ne semble vouloir briser. Ce moment suspendu, évoqué dans la récente publicité Gillette, cristallise un débat qui dépasse largement les contours du rasage masculin. Entre héritage social et injonctions nouvelles, la masculinité s’impose aujourd’hui comme un terrain de lutte à cœur ouvert.

Une publicité Gillette qui revitalise le débat sur la masculinité toxique

Presque un an après l’explosion du mouvement #MeToo, qui a secoué la société en libérant la parole autour du harcèlement et des violences sexistes, Gillette a choisi de rejoindre cette vague en lançant une publicité engagée sur la masculinité toxique. Ce choix, audacieux et inhabituel pour une marque historiquement associée au rasage traditionnel, interpelle et divise.

Pour célébrer les 30 ans de son slogan emblématique « The Best A Man Can Get », apparu pour la première fois en 1989 lors du Super Bowl, la marque a collaboré avec l’agence Grey pour produire un film qui ne parle pas simplement de rasoirs, mais interroge le rôle et l’éducation des hommes dans notre société contemporaine.

À travers une série de scènes illustrant des situations concrètes — des gestes déplacés aux agressions, en passant par des comportements minimisés sous le fameux « Boys will be boys » — la publicité cherche à déconstruire une croyance tenace qui enferme garçons et hommes dans des stéréotypes comportementaux nuisibles, longtemps passés sous silence.

  • Une volonté affichée de Gillette de faire évoluer les mentalités
  • La remise en question d’habitudes sociétales profondément ancrées
  • La dénonciation des violences et comportements toxiques entre hommes
  • Un questionnement sur l’éducation genrée et ses conséquences

Ce spot n’est pas dénué de critiques. Certains y voient un acte sincère d’empowerment masculin, un encouragement à une meilleure version de la virilité. D’autres y perçoivent surtout un coup de com’, presque culpabilisateur, sans lien évident avec un bénéfice produit. Il est vrai que pour une marque de rasoir, difficile d’affirmer avec certitude que se raser de près rendra un homme meilleur. Cela n’est pas le cas pour d’autres produits comme ceux de Nivea, Dove, ou Head & Shoulders dont la promesse d’amélioration est directement liée à leurs usages.

Ce positionnement marketing suscite paradoxalement un débat brûlant sur la légitimité même de Gillette à prendre position sur un sujet aussi sensible, alors que d’autres marques comme Always se sont imposées sur ces terrains sociaux grâce à des campagnes telles que « Like A Girl » qui ont su s’imposer comme des références authentiques et reconnues.

Le rôle des marques de soins masculins dans la remise en question des stéréotypes

Les marques traditionnelles de rasage – Gillette, Old Spice, Beardbrand, The Art of Shaving – se trouvent aujourd’hui invitées à naviguer entre héritage et modernité. En 2025, elles sont autant des acteurs culturels que commerciales, conscientes que les questionnements sociétaux impactent leurs consommateurs et, par ricochet, leur stratégie marketing.

La publicité Gillette illustre bien cette tension : elle porte un discours d’une conscience nouvelle sur la masculinité, mais reste avant tout une opération qui vise à renforcer une image de marque dans un cadre commercial. Les hommes, tout comme les femmes, font face à des injonctions contradictoires — rester viril tout en étant plus doux, fort tout en étant vulnérable, affirmé tout en respectant.

La publicité rappelle que le rasage ne se limite pas à l’élimination des poils, mais peut devenir une métaphore des choix et des responsabilités que les hommes sont invités à assumer dans un monde en transition.

  • L’importance grandissante de l’authenticité dans les campagnes publicitaires masculines
  • Les efforts pour intégrer des messages féministes et inclusifs
  • Le défi de ne pas tomber dans le « masculin bashing » tout en dénonçant les comportements toxiques
  • L’influence des discours sur les réseaux sociaux et auprès des jeunes générations

Cependant, le chemin est semé d’embûches, notamment sur la sincérité perçue des marques. Une campagne ne peut à elle seule changer la donne si elle ne s’accompagne pas d’engagements concrets, visibles et durables. C’est dans ce contexte que la réaction des communautés sur la toile se révèle cruciale, alternant soutien et sarcasmes parfois virulents.

Le phénomène est comparable à celui des campagnes Dove, qui depuis des années s’emploie à célébrer la diversité corporelle et briser les standards beauté classiques, ou encore de L’Oréal qui a élargi son discours pour inclure davantage d’inclusivité. Ces marques ont étoffé leur stratégie au-delà de la communication, engageant des actions tangibles.

Quelques exemples concrets de marques évoluant dans cette direction :

  • Dove : déconstruire les normes de beauté avec authenticité
  • Nivea : intégrer l’égalité des genres dans sa communication
  • Old Spice : casser le mythe de la virilité brute
  • AXE : transformer leur image avec des campagnes plus responsables
  • Beardbrand & The Art of Shaving : cultiver une masculinité soignée sans agressivité

La polémique Gillette : entre hypocrisie commerciale et engagement sincère

La sortie du spot Gillette n’a pas laissé indifférent. Sur les réseaux sociaux, les réactions se sont emballées, divisant internautes et spécialistes en deux camps bien tranchés. D’un côté, des voix applaudissant la prise de position courageuse adressée à des normes masculines trop souvent toxiques. De l’autre, des détracteurs dénonçant une forme de « masculinité bashing », reprochant à Gillette de jeter l’opprobre sur leurs clients sans véritable fondement.

Les critiques les plus virulentes évoquent le paradoxe d’une publicité qui, sous couvert de responsabilité sociale, chercherait surtout à vendre plus en capitalisant sur une mode progressiste. L’idée de culpabiliser l’homme pour un phénomène qu’il n’a pas choisi suscite un rejet profond, perçu comme un camouflet contre la « vraie » masculinité.

Cette controverse éclaire un paradoxe incontournable : quand une marque sensible à la délicatesse de ces sujets avance dans un terrain glissant, elle prend le risque d’aliéner une partie de son public, mais aussi de perdre en authenticité si son engagement semble purement instrumental.

  • Débat sur la place légitime des marques dans les luttes sociétales
  • Questions sur le rôle de l’éducation masculine face à la masculinité toxique
  • L’impact des campagnes publicitaires sur la perception des normes sociales
  • Critique de la surmédiatisation du « bashing » masculin

Ce combat évoque d’autres enjeux bien au-delà de la simple consommation : il invite à une réflexion sur les rapports humains, les identités et les modèles masculins. Une interrogation qui dépasse le strict cadre marketing pour convoquer la responsabilité collective et la nécessité d’un changement profond. Pour nourrir ce débat, on peut notamment s’appuyer sur ce reportage qui analyse pourquoi les féministes se mobilisent toujours plus et comment cette mobilisation nourrit d’autres luttes.

Masculinité toxique : un concept en pleine redéfinition sociétale

Avant même d’être une étiquette médiatique, la masculinité toxique est une réalité difficile à cerner. Elle désigne l’ensemble des comportements masculins normés et nuisibles qui imposent un modèle rigide de force, domination et contrôle au détriment de la liberté émotionnelle et du respect d’autrui. Gillette a choisi de la mettre en lumière dans sa campagne, déclenchant un débat qui questionne l’essence même de la virilité.

Les racines de ce concept reposent sur des décennies, voire des siècles, de constructions culturelles où aux garçons était enseignée l’idée que montrer ses émotions, à l’exception de la colère, était un signe de faiblesse. La phrase « Les garçons seront toujours des garçons », souvent prononcée pour excuser des excès, cristallise cette fatalité assignée.

Sortir de cette impasse implique un travail de fond, notamment dans l’éducation familiale et scolaire. C’est un sujet qui dépasse les campagnes publicitaires, mais qui demande à chaque acteur social, y compris les entreprises, de s’interroger sur leur rôle dans le façonnage des mentalités.

  • Le poids des stéréotypes transmis dès l’enfance
  • Les conséquences sur la santé mentale des hommes, souvent négligées
  • Les répercussions dans la société : violences, discriminations, rapports de pouvoir
  • Les alternatives émergentes : masculinities positives et inclusive

Ce débat rejoint des préoccupations parallèles sur la santé mentale, où de nombreuses initiatives appellent à reconnaître que les hommes éprouvent autant que les femmes des fragilités et ont besoin de soutien. Et en parlant de santé mentale, la gestion aliénante de la charge mentale conjugale est également un sujet brûlant : à découvrir ici pourquoi une femme devient castratrice.

Rasage masculin : entre rituel de soin et espace d’expression de la virilité moderne

Lorsque l’on pense à Gillette, difficile d’échapper à l’image du rasage, qui est à la fois un acte quotidien et un symbole puissant. Le rasage n’est plus seulement une routine d’hygiène : il devient une scène où s’exprime la relation des hommes avec eux-mêmes et avec les normes sociales.

Marques comme Beardbrand et The Art of Shaving ont intelligemment surfé sur cette idée pour imposer une esthétique soignée, éloignée des clichés agressifs et brutalistes. Elles proposent un rasage qui valorise le souci de soi, la douceur et la maîtrise, invitant à repenser la masculinité comme une expérience nuancée et personnelle.

Le rasage peut ainsi être une forme d’empowerment, un moment de reconnaissance de ses failles et forces. Cela ne signifie pas simplement gommer les poils, mais aussi effacer les injonctions à la virilité toxique et s’ouvrir à d’autres facettes, plus riches et authentiques.

  • Le rasage comme soin personnel et moment de détente
  • Le rôle des produits (rasoirs Gillette, crèmes L’Oréal, soins Nivea)
  • L’influence des marques dans la redéfinition des codes masculins
  • Le rasage comme outil de création d’une identité plus libre

Ce renouveau du rasage vient questionner non seulement les pratiques mais aussi les représentations. Il faut saluer qu’en 2025 cette réflexion soit portée au premier plan, entraînant avec elle des avancées chez les consommateurs comme chez les marques.

Le rôle des réseaux sociaux dans la diffusion et la critique des messages sur la masculinité

Les réseaux sociaux ont transformé la donne en matière de communication et d’engagement. La publicité Gillette a trouvé sur ces plateformes un champ de bataille décisif où s’élaborent débats, polémiques et prises de conscience.

Twitter, Instagram, TikTok et Facebook sont devenus des espaces où coexistent des voix multiples : des militants féministes engagés, des hommes s’épanouissant dans de nouvelles formes d’expression, mais aussi des groupes réactionnaires ou défendant la masculinité traditionnelle.

Cette profusion a deux effets majeurs : d’une part, elle accélère l’appropriation des messages progressistes et leur viralité, d’autre part, elle amplifie les conflits idéologiques. Derrière chaque tweet ou post, il y a souvent une histoire vécue, une inquiétude ou un espoir.

  • La publicité Gillette étudiée et commentée en direct par les internautes
  • Les influenceurs masculins qui proposent une autre parole sur la virilité
  • L’impact des vidéos et podcasts sur les débats de société
  • Les espaces d’expression pour celles et ceux qui veulent déconstruire et reconstruire

Cette dynamique est essentielle car elle fait tomber les tabous et permet d’envisager, pas à pas, des évolutions bénéfiques. Pour en savoir plus sur le pouvoir des paroles brisées, leur résilience et leur influence, ce témoignage poignant d’Audrey, mannequin en situation de handicap, éclaire les liens entre visibilité et empowerment : découvrez son histoire.

Masculinité inclusive : sortir des cadres et ouvrir le dialogue

La masculinité, sous sa forme toxique, enferme les individus dans des rôles et des attentes normatives. En quête d’un nouveau souffle, les approches actuelles s’orientent vers davantage d’inclusivité, en intégrant diverses expressions de genre et de sexualité.

Cette progression questionne non seulement la virilité traditionnelle mais aussi les schémas hérités, pour y inclure les expériences des minorités et des personnes qui ne rentrent pas dans des cases préétablies. Les marques et campagnes qui prennent ce détour font le pari d’élargir leur audience tout en contribuant à une société plus juste.

  • La reconnaissance des identités non binaires et transgenres dans la publicité
  • La valorisation des masculinités plurales et hybrides
  • Le soutien aux mouvements intersectionnels
  • Les conséquences sur l’industrie du rasage et des cosmétiques masculins

Ce basculement vers une masculinité inclusive mérite d’être salué pour son audace et sa complexité. Il démontre que les marqueurs de genre ne sont pas des prisons, mais des territoires à redessiner. Des campagnes comme celle de Gillette, même reçoivent des critiques, participent à faire bouger les lignes et alimentent une conversation nécessaire.

L’engagement réel, l’outil fondamental pour éviter le greenwashing sociétal

En matière d’engagement contre la masculinité toxique, la frontière entre véritable militantisme et marketing habile est fine et souvent contestée. Gillette, comme beaucoup d’autres marques, doit aujourd’hui conjuguer discours et actions concrètes pour être crédible.

Le consommateur d’aujourd’hui, surtout le public féminin ou féministe, est particulièrement sensible à l’authenticité. Si une marque lance une campagne anti-masculinité toxique mais ne modifie pas ses pratiques internes (en termes de ressources humaines, diversité, innovation produit), elle se met en danger avec une partie de sa clientèle.

  • La nécessité de politiques internes favorisant l’inclusion et l’égalité
  • Le déploiement de partenariats avec des associations luttant contre le sexisme
  • Le suivi transparent des engagements publics des marques
  • Le risque d’être accusé de greenwashing sociétal si l’engagement se limite à la communication

Gillette fait donc face au défi d’être plus qu’un simple porte-voix. Ce défi est partagé avec d’autres acteurs comme L’Oréal, qui depuis des années travaille sur des questions d’égalité et d’inclusivité profonde, ou encore AXE dont la transformation a été remarquée et étudiée pour son audace et son impact réel.

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